Si, comme je l’évoquais dans les précédents articles, » La confiance » et « Le pouvoir personnel », l’être humain vient au monde avec des besoins de pouvoir inhérents à sa nature, alors, pourquoi, devenus adultes, avons-nous tant de mal à dire « non », à affirmer notre différence, à obtenir ce dont nous avons besoin ? C’est ce que nous permet de comprendre l’analyse transactionnelle.
L’ANALYSE TRANSACTIONNELLE
Dans les années 60, Éric BERNE, médecin psychiatre canadien, propose une théorie de la personnalité et des rapports sociaux : L’analyse transactionnelle
Dans son célèbre ouvrage « QUE DITES-VOUS APRES AVOIR DIT BONJOUR ? », il développe sa théorie : l’être humain est un être de relation, avec son entourage mais surtout, d’abord, avec lui-même. L’analyse transactionnelle, décrypte les mécanismes du pouvoir personnel à travers les relations que nous entretenons avec les autres parce que nous les entretenons avec nous-même.
Toute relation est une transaction, une sorte de contrat, un arrangement plus ou moins tacite dans lequel chacun donne et reçoit quelque chose.
Si l’on reçoit ce qu’on attend, tout va bien, on est dans une relation « gagnant/gagnant », (win/win en anglais). Dans le cas contraire, il s’agit d’une relation gagnant/perdant et c’est alors la fuite, la manipulation ou l’agression qui teintent la relation.
E. Berne détaille alors toutes les sortes de situations et de transactions possibles, celles qui sont épanouissantes et celles qui ne le sont pas et fournit des outils pour améliorer la relation aux autres et avec soi.
LA METHODE GORDON ET L’ASSERTIVITE
S’appuyant sur les travaux d’Éric Berne, d’Abraham Maslow, sur la satisfaction des besoins, et de Carl Rogers, sur la relation d’aide psychologique, Thomas GORDON, introduit la notion de reconnaissance dans la relation.
Il élabore « la méthode GORDON » qui préconise de développer des relations gagnant/gagnant, notamment avec les enfants. Cette méthode, fondée sur la notion d’assertivité, (la capacité à défendre ses droits), est aujourd’hui connue et reconnue en ce qu’elle permet de développer l’autonomie des enfants comme celle des adultes.
LES 3 ETATS DU « MOI »
L’analyse transactionnelle pose en principe que notre psyché est composée de 3 états, qu’elle nomme «les états du moi» : l’état «Enfant», l’état «Parent» et l’état «Adulte».
Confirmant cette vision, les neurosciences aujourd’hui, s’accordent à identifier l’existence de « 3 cerveaux ».
Le cerveau reptilien, siège des pulsions et le système limbique, des émotions, correspondent à ce qui est décrit comme l’état « Enfant », celui des sentiments. Le cortex qui nous permet de développer des croyances et des pensées conscientes, correspond à l’état « Parent ».
En somme, si notre cerveau est capable dès la naissance de traiter nos pulsions et nos sentiments, il est aussi capable d’apprendre, d’imaginer et de communiquer. Mais, on n’identifie pas, pour le moment, de zone cérébrale dédiée à l’état « Adulte », ce qui semble indiquer qu’il s’agit d’un apprentissage et non d’une composante innée de la personnalité. On devient adulte mais on ne nait pas ainsi, y parvenir procède d’un apprentissage.
L’ETAT « ENFANT »
L’«Enfant» correspond au monde des pulsions, des émotions : envies, désirs, joies, créativité, mais aussi peur, colère, soumission. C’est l’univers du ressenti, de la spontanéité.
Nous sommes dans notre état «Enfant» lorsque nous ressentons des émotions, que nous les exprimions, les partagions ou non avec les autres. L’état « Enfant » peut être libre ou adapté, rebelle ou soumis ce qui caractérise bien les différents états dans lesquels peuvent se sentir les enfants.
L’ETAT « PARENT »
L’état «Parent» constitue notre conditionnement de base, qui se construit au fil du temps : les modèles des parents, de la famille, et de l’école et de tout ce qu’on apprend par la suite.
Il s’agit des systèmes de pensée acquits, quelle qu’en soit la nature : religieuse, sociale, philosophique, politique, culturelle, scientifique ou autre, et bien sûr, des interdits.
Lorsque nous obéissons à une règle (le code de la route ou la manière de s’habiller pour une cérémonie), ou lorsque nous adoptons un comportement social approprié, nous sommes dans notre état «Parent». Le sens du devoir est ici aux commandes.
Le «Parent» intérieur peut être protecteur ou persécuteur selon la manière dont on a été traité, mais il constitue de toute façon notre vision du monde, un système de croyances et de valeurs auxquelles nous nous référons pour exister, longtemps inconsciemment.
LES CONFLITS INTÉRIEURS
L’adolescence est la période où nos envies, nos goûts, nos pulsions, mais aussi nos peurs et nos colères, entrent en conflit avec notre conditionnement.
Par exemple, comment continuer à rendre visite à cette tante si désagréable ? (Conflit entre mon éducation et ma colère) ou comment apprendre cette leçon si ennuyeuse (conflit entre mon envie de paresser et la nécessité d’apprendre).
Certaines personnes apprennent très jeunes à être autonomes et à exprimer leurs besoins, mais ça n’est pas la majorité. La plupart d’entre nous apprend à se conformer aux attentes des parents, à obéir.
En grandissant, plutôt que d’affronter l’autre et de se battre pour obtenir gain de cause, on préfère abdiquer pour avoir la paix. Peu à peu, l’inhibition du désir devient une façon d’être. La personne pense être ainsi mieux perçue, davantage conforme à ce qu’on attend d’elle, préfère passer pour une personne « bien élevée » et ne pas provoquer de conflit.
Elle perd ainsi peu à peu son pouvoir personnel et son désir d’affirmation d’elle-même, le prix à payer étant parfois celui de grandes frustrations.
A ce stade, c’est la peur de déplaire qui est aux commandes. Ce phénomène est à la base des abus de pouvoir, mais aussi du manque d’implication ou de la déresponsabilisation de certain(e)s.
L’ETAT « ADULTE »
Le troisième état du « moi » identifié par l’analyse transactionnelle est l’état « Adulte ».
Etre adulte, c’est faire des choix et en assumer les conséquences, c’est décider ce qui est bon pour soi, sans nuire à autrui. Etre adulte, c’est pouvoir dire oui et non, accepter et refuser, demander et donner. Et, tandis que l’état «Parent» ou «Enfant» nous maintiennent dans une forme de dépendance, l’état «Adulte» nous en libère.
Contrairement aux 2 autres états, qui provoquent des émotions, des sentiments ou nous conduisent à adopter des comportements appris, l’état «Adulte», suscite des questionnements sur le réel : que se passera-t-il réellement si je ne vais plus voir cette tante si négative ? Que se passera-t-il réellement si je n’apprends pas mes leçons ?
C’est un questionnement sur la nature d’un problème, ses causes et ses effets qui est ici aux commandes et non plus un ressenti ou un conditionnement.
Pour revenir à notre exemple, dans le premier cas, il ne se passera vraisemblablement pas grand-chose si je ne vais plus voir cette tante antipathique. Il n’y aura vraisemblablement pas d’effet négatif, sauf à supporter la contrariété des parents peut-être.
Mais si je ne travaille pas… je récolterai un jour les fruits de ma paresse. La réalité s’impose : j’ai réellement besoin d’obtenir un diplôme pour ensuite choisir un métier. Je dois donc étudier. Ce qui est bon pour moi, ce n’est pas de flemmarder, c’est de faire un effort.
El l’on comprend alors que ce qui est bon pour soi n’est pas forcément agréable à court terme mais nous sera bénéfique à moyen ou long terme.
LA PUISSANCE ET L’AUTONOMIE
Ainsi, l’adulte va-t-il pouvoir exercer son libre arbitre, en fonction, non de pulsions immédiates ou d’un conditionnement, mais de ses vrais besoins.
On parle alors de la puissance de l’adulte, car, tandis que l’état fusionnel commande le renoncement à soi pour conserver la relation, l’autonomie favorise l’affirmation de soi et de l’autre, dans un rapport où chacun gagne quelque chose : la satisfaction d’un besoin, un bénéfice, mais surtout, une meilleure estime de soi et de l’autre… et le développement d’une confiance réciproque.
L’exercice du pouvoir personnel est alors plein et entier, mais il prend aussi en compte les besoins et les aspirations des autres.
L’ACCES A L’AUTONOMIE EST UN PROCESSUS
La capacité à faire ce qui est bon pour soi, à trouver dans l’environnement ce dont on a besoin et à interagir avec les autres sont les caractéristiques de la personnalité autonome.
Mais comment savoir « ce qui est bon pour soi » ? C’est justement le chemin que nous montre Éric BERNE. Etre heureux, c’est écouter les désirs de l’ »Enfant » tout en respectant les valeurs du « Parent » et faire des choix le plus librement possible. Tout un programme !
Comment y parvient-on ? L’accès à l’autonomie est un processus qui se déroule en 3 grandes étapes : la fusion, la contre-dépendance, l’indépendance.
LA FUSION ÉMOTIONNELLE
Au début de la vie, le nouveau-né est en état de fusion avec sa mère. Ce n’est que vers 8 mois qu’il perçoit qu’il est un être séparé. En grandissant, à la fusion physique et la dépendance matérielle de l’enfance s’ajoute la fusion émotionnelle avec les parents.
La relation fusionnelle se caractérise par le besoin de l’autre et la peur de la perte, et ce, quel que soit cet « autre » : l’être aimé, la famille, les amis, le travail. On préfère renoncer à soi plutôt que de risquer de perdre la relation. Les concessions à faire peuvent être très difficiles à vivre, générant des conflits intérieurs puissants entre le désir de l’autre et son désir à soi avec la peur qui en résulte.
Cet état fusionnel qui s’étend à toutes sortes de relations peut durer jusqu’à l’adolescence, l’âge adulte et même perdurer tout au long de la vie. Nombreux sont les salariés qui ne quittent jamais leur entreprise, non qu’ils s’y sentent bien, mais par peur de l’inconnu.
LA CONTRE-DÉPENDANCE
L’adolescence est souvent le moment où l’on adopte des attitudes de contre-dépendance. Pour sortir de la fusion émotionnelle, on s’oppose, on refuse, on dénigre, on « fait le contraire… »
Recherchant plus de pouvoir et de liberté intérieure, on s’oppose au pouvoir des autres en tentant « d’avoir raison », d’être le plus fort.
Mais dans cet état, c’est toujours le modèle fusionnel qui est à la manœuvre : affirmer le contraire de ce que pense son père ou sa mère, c’est toujours faire du modèle parental le seul critère. L’indépendance se construira peu à peu par le constat de l’échec de ces stratégies, avec le sentiment que l’on se fatigue pour rien.
L’INDÉPENDANCE
Après l’étape de contre-dépendance vient l’accès à l’indépendance réelle, autre manière de nommer l’autonomie.
L’indépendance se fonde sur un dialogue intérieur. Elle se caractérise par la capacité à négocier entre soi et soi, à prendre en compte les risques réels de nos choix et à construire des relations de réciprocité : si je donne… qu’est-ce que je reçois en échange ? Que se passera-t-il réellement si je dis non à mon chef ? Quel est le risque réel ? Suis-je totalement impuissant(e) ou puis-je négocier ?
L’ACCES AU SENS
Mais se pose aussi la question de l’enjeu : « Qu’est-ce que j’ai à gagner si… qu’est-ce que j’ai à perdre ? » sont les grandes questions de l’état « Adulte ».
Un adulte ne s’engage pas s’il n’y trouve pas son compte, ce qui soulève la grande question de l’implication des équipes.
Dans son livre « LES RESPONSABLES PORTEURS DE SENS », Vincent LENHARDT utilise l’analyse transactionnelle pour décrypter la notion de sens.
Ce mot ne recouvrant pas la même signification pour tous, il invite les managers à comprendre à quel niveau de besoin se situent leurs collaborateurs, ce qui pour eux fait sens, et à le prendre en compte, au mieux. Il offre ainsi aux managers un outil pour optimiser leurs pratiques de management.
Et pour aller plus loin…
Voulez-vous tester votre assertivité ? Savoir comment vous vous réagissez en situation de conflit ? Faites le test «Etes-vous assertif(ve) ? »
Voir aussi le dossier « LES FONDAMENTAUX DU MANAGEMENT » qui reprend les notions de besoin, adhésion, implication, valeur, motivation et présente l’essentiel des concepts qui fondent nos pratiques actuelles de management.
« BILAN PERSO, PROJET PRO » vous permet de vous retrouver et de vous recentrer sur l’essentiel : qui vous êtes vraiment, vos valeurs, vos compétences et votre projet de vie.
La confiance est le fondement de la relation à soi et aux autres. Lire l’article du blog.
Qu’il est difficile d‘aimer ! C’est à la lumière des neurosciences et de la théorie des 3 cerveaux que Jacques SENECAL nous parle, avec humour, de la difficulté d’aimer. Comment en effet, s’entendre avec l’autre lorsqu’il est si difficile de s’entendre soi ?
« LE CERVEAU AMOUREUX » est un ouvrage à la fois scientifique et détendant.
Pour ceux qui souhaitent découvrir l’analyse transactionnelle, l’ouvrage de Gysa JAOUI, « LE TRIPLE MOI » présente les fondamentaux de l’analyse transactionnelle de manière simple et accessible à tout public.